Méditation Conseil FAP 31 mars 2025

  

Arrivés à mi-chemin du temps de la Passion, je vous propose de nous laisser inspirer et d’associer nos réflexions à partir de ce verset de l’épître aux Hébreux.

 Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins, rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance la course qui nous est proposée. (Hébreux 12.1 – Louis Segond adapté)

 Nous parlons des fardeaux du monde actuel, de quiproquo historique, du Concile de Nicée, mais aussi de nuées de témoins inattendus qui nous aident à persévérer.

 J’ai choisi ce premier verset du chapitre 12 de l’épitre aux Hébreux comme point de départ pour ce matin parce que c’est le thème que la Communion Mondiale d’Église Réformées CMER a choisi pour sa prochaine Assemblée générale en octobre de cette année en Thaïlande : « persévère dans ton témoignage ». Au vu des principaux événements politiques de notre monde depuis quelques mois, il m’a semblé que la CMER avait capté quelque chose d’important pour trouver la bonne réaction à tous ces événements. La référence à la grande nuée de témoins qui nous entoure est un rappel précieux, parce que ces témoins sont en général bien plus directement exposés que nous aux tragédies et déchirures de ce monde. Pour nous à la FAP, il est important d’avoir toujours à l’esprit que nous sommes liés à une nuée, que notre contexte franco-suisse est une toute petite pierre de la mosaïque chrétienne. Notre persévérance à nous est utile à celle des autres.

 Cela m’amène à partager avec vous quelques lectures que j’ai faites ces derniers temps et qui à la fois fondent et expriment l’essentiel de la réaction que je propose.

 La première vient justement de la CMER. Je vous invite à lire ou au moins feuilleter le manuel (Handbook) qu’elle a publié sur son site pour la préparation de cette Assemblée, qui rassemble sept textes relativement brefs et pointus, donc controversés, qui expriment les douleurs de ce monde mais aussi de l’Église, à la fois témoin, victime et parfois complice de ces déchirures. À l’issue de sa dernière réunion physique en mai 2024 aux États-Unis, à Grand Rapids /Michigan, quelques mois avant la présidentielle américaine, le Comité directeur de la CMR avait publié un message troublé et troublant, dont voici un extrait :

Nous, le Comité exécutif de la Communion mondiale d’Églises réformées, sommes de retour à l’Université Calvin de Gd Rapids ….., et dans une réalité américaine troublante. Le nationalisme chrétien, la montée de l’autoritarisme et le fléau du racisme déchirent le cœur même de cette nation. Profondément imbriquées les unes dans les autres, ces trois questions doivent être abordées avec honnêteté et ouverture, avec la volonté d’accepter leurs dures vérités et les défis qu’elles posent. La souche américaine du nationalisme chrétien est particulièrement virulente car elle inclut la confiance suprême que Dieu est du côté des États-Unis, que leurs «batailles» ne font qu’un. Des impulsions autoritaires découlent de cette croyance, dans le but inavouable de limiter la participation à quelques « élus ». Le racisme est profondément ancré dans la société américaine, les répercussions non résolues de l’esclavage et de la ségrégation étant les plus importantes, mais la discrimination de tous les corps noirs et bruns qui se trouvent dans le pays ou à sa frontière ne doit pas être négligée. L’héritage et l’impact non résolus du projet colonial en ce qui concerne les peuples indigènes continuent d’entacher nombre de nos communautés, tout comme l’absence d’intention d’engager un dialogue constructif. Il s’agit d’une blessure qui a désespérément besoin d’être soignée.

 Nous avons plus besoin que jamais de persévérance pour continuer à soigner les blessures dans le nouveau contexte où nous sommes. Un seul exemple parmi des centaines possibles : ici en Suisse, un de nos partenaires historiques, l’EPER, a perdu en un jour 7,5 millions de Dollars que lui confiait USAID pour ses programmes en Ukraine, au Congo et en Ethiopie. Elle a dû licencier 100 collaborateurs dans ces pays.

 Ce qui se passe dans le monde ces derniers temps doit en particulier nous interpeller sur notre relation aux pouvoirs. Dans le blog de Graham Tomlin, Directeur du « Centre pour le témoignage culturel » et ancien évêque de Kensington, j’ai pu lire récemment ceci :

Après des années de polarisation politique, de népotisme de la part des dirigeants précédents et de revendications contestées du pouvoir, un dirigeant imprévisible et égoïste croit que Dieu l’a sauvé pour rendre à la nation sa grandeur. Il est acclamé comme le dirigeant le plus puissant du monde et surprend instantanément tout le monde en publiant une série de nouvelles mesures perturbatrices visant à changer radicalement le mode de fonctionnement de la société et en annonçant qu’il va s’attaquer aux préjugés anti-chrétiens dans la société.

Cela vous rappelle quelque chose ? 

Non, il ne s’agit pas de Donald Trump. Il s’agit du dirigeant de l’empire romain du quatrième siècle, Constantin le Grand. Et les parallèles sont frappants. 

Constantin, fils d’un général romain et d’une serveuse des Balkans, a été le premier empereur romain chrétien. Auparavant, tous les empereurs étaient païens et vénéraient les dieux grecs et romains… Après des années de luttes politiques intestines au sein de l’empire, Constantin marcha sur la capitale et vainquit son ennemi Maxence lors de la bataille du pont Milvius, à l’extérieur de Rome. Juste avant la bataille, Constantin a fait un rêve dans lequel il a vu un signe ressemblant à une croix dans le ciel, avec le slogan « dans ce signe, conquérir ». Dès lors, il a cru que Dieu l’avait choisi dans ce but précis: apporter la paix à l’empire en conquérant ses ennemis, intérieurs et extérieurs, sous la bannière du christianisme. Après son accession, Constantin, à l’instar de Trump, a introduit de nouvelles politiques économiques pour enrayer l’inflation rampante, a restructuré le gouvernement et a renforcé la capacité militaire pour dissuader les ennemis de l’empire. Il a également commencé à accorder des privilèges aux chrétiens, jusque-là persécutés. Le paganisme, religion « officielle » de l’empire, a été de plus en plus relégué au second plan. Les églises se voient accorder des terrains sur lesquels elles peuvent construire de nouveaux édifices, et les rassemblements de dirigeants chrétiens deviennent monnaie courante, dont certains sont présidés par l’Empereur, comme le concile de Nicée en 325,(où les 250 évêques sont acheminés par les voitures de la poste impériale !). La crucifixion fut abolie en tant que forme d’exécution. Le dimanche devient un jour férié hebdomadaire et les pratiques païennes sont peu à peu interdites en public. ….. Il est certain qu’à l’époque, de nombreux chrétiens étaient ravis, profitant de leurs nouveaux privilèges et de leur accès à la cour impériale comme des pasteurs aux yeux écarquillés invités à la Maison Blanche. D’un autre côté, Constantin était irascible, imprévisible et vindicatif. Il fait exécuter sa seconde femme, trois beaux-frères, son fils aîné et son beau-père… Utilisait-il cyniquement la force culturelle croissante du christianisme pour apporter l’unité à un empire divisé et fragmenté ?…. Constantin était exactement le type de messie militaire que les Juifs du premier siècle attendaient, mais il était totalement différent du rabbin crucifié de Nazareth. ….Il a certainement promu la foi chrétienne et lui a donné de nouvelles libertés. Pourtant,… il est peu question de Jésus dans la religion de Constantin. Il semble parfois s’être considéré comme le Sauveur de l’Église… le tournant de l’histoire ne se situant pas pour lui au premier siècle … lors de la résurrection de Jésus, mais au quatrième siècle avec sa propre victoire sur Maxence. … L’Église chrétienne était à l’origine un mouvement contre-culturel, offrant une vision radicalement nouvelle de la vie, … et centrée sur Jésus crucifié et ressuscité. Après Constantin, le christianisme s’est centré sur un souverain majestueux des cieux et de la terre. Le Christ Pantocrator, l’image du Christ en gloire …, a remplacé les images du Christ sur la croix. (Jusque-là le terme de « pantocrator » était réservé exclusivement à l’Empereur). Ce n’est pas Constantin qui a été formé à l’image du Christ, mais le Christ qui a été conformé à l’image de Constantin. [1]

 Il y a bien sûr d’autres éléments à souligner en commémorant ce premier Concile, mais il est frappant de le voir coïncider avec l’arrivée au pouvoir d’une idéologie pseudo-chrétienne comme celle de Donald Trump.

 Les Églises aux USA sont désemparées parce que profondément divisées elles aussi, même les plus progressistes. Quelques-unes ont intenté un procès à la nouvelle administration à cause de la violation de lois et d’accord au sujet des programmes d’hébergement de migrants par les Églises. Le 6 mars dernier les représentants de toutes les Églises et religions aux USA sont venus protester devant le bâtiment de la Cour suprême.

 Résistance, résilience et persévérance.

Un autre fort geste d’espoir et de persévérance m’a été donné en janvier d’une région et d’une Église à laquelle on ne se serait pas attendu. Bizarrement, ce message est passé quasi inaperçu et n’a suscité aucune vague, en tout cas à ma connaissance. Il s’agit d’une prise de position intitulée « Rester fidèle au Christ et à l’Évangile », publiée le 7 janvier, jour de Noël en Russie par un groupe de théologiens et laïcs de     l’Église orthodoxe russe[2].

« Un appel lancé par des ecclésiastiques et des laïcs de l’Église orthodoxe russe qui, tout en restant en Russie, refusent la guerre.

Cette profession de foi a été rédigée par des hommes d’Église, clercs et laïcs, vivant pour la plupart en Russie, qui se sont vus contraints de renoncer à toute référence à leur qualité d’auteur. Toute personne qui partage les thèses contenues dans ce document et qui est prête à les transmettre à d’autres, que ce soit oralement ou par écrit, publiquement ou en privé, peut se considérer comme participant à cet acte de confession. Les phénomènes auxquels il est fait référence dans ces thèses ont pris de l’ampleur depuis longtemps dans notre Église. Le silence des ecclésiastiques peut être perçu comme une approbation ou une acceptation, et nous n’avons donc pas le droit de nous taire. « Nous, clercs et laïcs, enfants de l’Église orthodoxe russe… croyons et confessons que nous sommes tous appelés, quelles que soient les circonstances terrestres et les exigences des détenteurs de pouvoir terrestres, à témoigner devant le monde de l’enseignement de Jésus-Christ et à toujours rejeter ce qui est incompatible avec l’Évangile. Aucun objectif ou valeur terrestre ne peut être placé par les chrétiens au-dessus ou à la place de la vérité révélée dans l’enseignement, la vie et la personne de Jésus-Christ.

 Il s’en suit une série de huit affirmations sur des éléments fondamentaux de la foi chrétienne, actualisés dans le contexte de la guerre contre l’Ukraine et où ce groupe démonte et conteste la justification religieuse de la guerre contre l’Ukraine que l’on peut lire et entendre en Russie, dans l’Église orthodoxe russe en particulier[1].

 Et puis, il y aussi il y a quelques jours cette vidéo de l’évêque Mariann Budde de Washington, qui avait le buzz lors du service religieux le jour de l’investiture de D, Trump : elle dit ceci :

 « Bonjour mes amis, c’est l’évêque Mariann. Je me suis retirée des réseaux sociaux pendant un certain temps, mais je voulais prendre de nouveau contact avec vous pour vous remercier… Je suis convaincue qu’il existe dans ce pays un esprit d’amour et de bonté qui nous traverse tous. Et que c’est le moment de se serrer les coudes,

de se donner du courage et de s’accrocher à ce qui est bon pour nous et pour notre pays. Je suis sûr que nous pouvons y arriver.
Nous devons nous rappeler que nous ne sommes jamais seuls. Si l’un d’entre nous vacille, il y en a des centaines d’autres qui restent debout. Et parfois, nous soutenons ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes
. »

 

 Pour conclure,

Cette chanson de Coldplay , ou plutôt cette prière :  

 We pray (2024)

I pray that I don’t give up, pray that I do my best
Pray that I can lift up, pray my brother is blessed
Praying for enough, pray Virgilio wins
Pray I judge nobody and forgive me my sins
I pray we make it, pray my friend will pull through
Pray as I take it unto others, I do
Praying on your love, we pray with every breath
Though I’m in the valley of the shadow of death

And so we pray
For someone to come and show me the way
And so we pray

For some shelter and some records to play
And so we pray
We’ll be singing “Baraye”
Pray that we make it to the end of the day
And so we pray
I know somewhere that Heaven is waitin’
And so we pray
I know somewhere there’s something amazin’
And so we pray
I know somewhere we’ll feel no pain
Until we make it to the end of the day

I pray that love will shelter us from our fears
Oh, I pray you trust to let me wipe off your tears
Confront all the pain that we felt inside
With all the cards we been dealt in life

Pray I speak my truth and keep my sisters alive
So for the ones who parted seas (Ah, yeah)
For the ones who’s followin’ dreams (Ah, yeah)
For the ones who knocked down doors (Ah, yeah)
And allowed us to pass down keys (Ah, yeah)
Pray that we speak with a tongue that is honest
And that we understand how to be modest
Pray when she looks at herself in the mirror
She sees a queen, she sees a goddess

And so we pray
For someone to come and show me the way
And so we pray
For some shelter and some records to play
And so we pray
We’ll be singin’ “Baraye”
Pray that we make it to the end of the day

And so we pray
I know somewhere that Heaven is waitin’
And so we pray
I know somewhere there’s something amazin’
And so we pray
I know somewhere we’ll feel no pain
Until we make it to the end of the day

On my knees, I pray, as I sleep and wake
‘Cause inside my head is a frightening place
Keep a smiling face, only by His grace
‘Cause love’s more than I can take, hey

And so we pray
For someone to come and show me the way

And so we pray
For some shelter and some records to play
And so we pray
We’ll be singin’ “Baraye”
Till nobody’s in need and everybody can say (Oh)

La-la-la, la-la, la-la (La-la)
La-la-la, la-la, la-la (Sing it to me)
La-la-la, la-la, we pray, we pray
La-la-la, la-la, la-la I know somewhere that Heaven is waitin’, is waitin’
La-la-la, la-la, la-la I know somewhere there’s something amazin’, something amazin’
La-la-la, la-la, la-la Until we feel no pain
La-la-la, la-la, we pray, we pray, we pray

 

 

 

[1] 1. À PROPOS DE DIEU : À propos du commandement « Tu ne prendras pas le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain », où sont vertement réprouvés « non seulement les politiciens et les journalistes, mais aussi les serviteurs de l’Église, qui utilisent le nom de Dieu dans leur rhétorique, prescrivant sans hésitation à Dieu …. lequel des dirigeants terrestres Il doit soutenir.
2. SUR LE REGNE DE DIEU : Sur l’inadmissibilité de la confusion entre ce qui est « de Dieu » et ce qui est « de César », ainsi que sur l’inadmissibilité de la transformation de l’Église en instrument des détenteurs du pouvoir sur terre.
3) SUR LA DIGNITÉ HUMAINE : Sur la prétendue « hérésie du culte de l’homme » et l’inadmissibilité d’utiliser l’homme comme un matériau consommable, où il est rappelé que  « ni les Saintes Écritures ni le Credo ne nous disent que Dieu s’est fait homme pour la grandeur ou le salut d’une nation, d’un État ou d’un parti… mais … pour l’amour de l’homme.
4) SUR L’ÉGALITÉ DES PEUPLES DEVANT DIEU et l’inadmissibilité de l’auto-glorification nationale
5) SUR LA VIE SELON LES COMMANDEMENTS DE CHRIST et son remplacement par la « lutte pour les valeurs traditionnelles ».
6) SUR L’AMOUR CHRETIEN DU PROCHAIN et son remplacement par la prédication de la violence et de la « guerre sainte ».
7) SUR L’ÉGLISE DU CHRIST : Sur la « verticale du pouvoir » et l’oubli du principe synodal, la déformation de la vie de l’Église.
8) SUR LE SERVICE DE LA RECONCILIATION, véritable mission sociale et politique de l’Église,
où il est fait rappel du cœur de la doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe adoptée par le synode des évêques en 2000 : « L’Église orthodoxe remplit sa mission de réconciliation entre les nations hostiles les unes aux autres et leurs représentants. En conséquence, elle ne prend pas position dans les conflits interethniques, à l’exception des cas d’agression ou d’injustice manifestes de la part de l’une des parties » (II.4). « Face aux divergences, aux contradictions et aux luttes politiques, l’Église prêche la paix et la coopération entre les personnes qui adhèrent à des opinions politiques différentes. Elle tolère également différentes convictions politiques au sein de l’épiscopat, du clergé ainsi que des laïcs, à l’exception de celles qui conduisent manifestement à des actes contraires à la doctrine de la foi orthodoxe et aux normes morales de la tradition ecclésiastique » (V.2).

 

[1] https://www.seenandunseen.com/trump-new-constantine-hes-no-saviour

[2] https://noek.info/hintergrund/3646-christus-und-dem-evangelium-treu-bleiben