ARMENIE – La serre d’Anaït

témoignage projet 

Anaït (appelons la ainsi) a enseigné dans la seule classe d’école de son petit village d’Artsakh (que nous appelons le Nagorny-Karabakh) pendant près de trente ans. Elle adorait son métier et ses élèves comme ses enfants. Lors de la dernière poussée de l’armée azérie début 2024, son village est touché, et deux élèves, des frères, meurent, sur les six enfants que compte l’école. Non seulement Anaït doit fuir rapidement avec sa mère octogénaire, sa fille et son beau-fils, mais l’événement la traumatise. Elle ne peut plus entrer dans une salle de classe, elle ne peut plus et ne veut plus enseigner. Chaque jour qui passe, elle pleure devant la photo de ces deux enfants. La corde est cassée. Ils emmènent les corps des enfants avec eux pour qu’ils soient enterrés en Arménie.

Dans sa patrie, montagneuse, presque tout le monde  a son jardin pour vivre. “Traditionnellement, on fait pousser des herbes aromatiques (persil, ciboulette, oignon, d’autres plantes inconnues chez nous), et on les mange dans des sortes de petites crèpes”.  Arrivée dans la région d’Erevan, beaucoup plus chaude, elle décide de se recovertir en éleveuse d’herbes pour les vendre dans le voisinage. L’ONG « Table Ronde du COE » qui gère un programme de soutien social mobile dans toute la région pour les réfugiés, décide de la soutenir. Elle loue une maisonnette abandonnée depuis des années par un couple parti en Russie, mais qui lui réclame un loyer exorbitant, alors que cela vaut au mieux 100$. L’ONG lui achète des serres en plastique pour qu’elle puisse produire toute l’année, ainsi qu’un frigo, les voisins du village lui donnent des meubles usagés inutiles, elle reprend espoir.

Elle vend aujourd’hui dans toute la région pour des privés et des restaurants qui aiment faire ces recettes traditionnelles. Mais son cœur reste dans l’Artsakh, comme le montre son T-shirt porté ce jour-là .  « Je n’ai pas le droit de me laisser aller, je dois être forte chaque matin et continuer ».